top of page
Rechercher

Valse d’espèces pour des concerts de rap dans les discothèques

  • Photo du rédacteur: Sud Ouest
    Sud Ouest
  • 15 janv.
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 21 janv.

Trois tourneurs de spectacles comparaissaient ce lundi devant le tribunal correctionnel de Bordeaux pour avoir fait tourner des stars du rap dans des boîtes de nuit, sans rien déclarer. Les montants payés tutoient les 3 millions d’euros


Publié le 15/01/2025 à 21h10.

Mis à jour le 15/01/2025 à 22h52.



Le tourneur plaçait des stars du rap pour des prestations dans des boîtes de nuit. Ni les artistes ni les établissements ne font l’objet de poursuites. © Crédit photo : Guillaume Bonnaud / SO
Le tourneur plaçait des stars du rap pour des prestations dans des boîtes de nuit. Ni les artistes ni les établissements ne font l’objet de poursuites. © Crédit photo : Guillaume Bonnaud / SO

Michel Escuriet et sa société de production avaient acquis une petite réputation. Mais l’ascension de First Organisation, devenue sur le tard Stars Communication, sise au Luxembourg, qui affichait sur son catalogue des artistes aussi renommés que Black M ou Gims, s’est fracassée sur une procédure judiciaire. Elle a valu à trois « bookers » une comparution ce lundi 13 janvier devant le tribunal correctionnel de Bordeaux pour travail dissimulé, blanchiment de fraudes fiscale et sociale, escroquerie, faux et usage de faux…


Alias « Mickael Bolton »


Au détour d’une perquisition dans une boîte de nuit, les enquêteurs de la PJ de Bordeaux avaient découvert des factures au nom d’une structure de Clermont-Ferrand pour des prestations de rappeurs. Ces mini-concerts sont très prisés par les discothèques. Ce business dont Michel Escuriet s’était fait une spécialité sur la France entière avait généré près de 3 millions d’euros de paiements en quelques années, ont estimé les policiers. Mais pas un fifrelin n’avait été déclaré ni au fisc, ni à l’Urssaf !


Ce lundi, devant le tribunal correctionnel, Michel Escuriet, souffrant, a laissé à son avocat le soin de le représenter. « À la lecture du dossier, j’ai pensé à Jean-Claude Romand. Le tribunal aurait bien voulu l’avoir en face de lui car c’est une sacrée histoire », sourit le président Gérard Pitti.


Face aux policiers, le producteur avait assuré ne s’être « pas rendu compte » des montants qu’il s’était versés grâce à son activité. Il avait pourtant perçu 135 000 euros par an (soit 695 000 euros en cinq ans). À cette somme s’ajoutaient des allocations chômage en tant qu’intermittent du spectacle à hauteur de 210 000 euros en douze ans. Le distrait Michel Escuriet se déclarait bassiste sous le nom de Mickael Bolton. Mais il n’a jamais donné un concert…


Pour opérer, il avait mis la main sur une association en sommeil. En quelques mois, sans que le président ou le trésorier ne s’en rendent compte, l’association First Organisation était devenue la plaque tournante des concerts de rap dans les discothèques. Michel Escuriet avait la signature sur les comptes et avait même bricolé une fausse licence d’entrepreneur.


Les prestations dans les boîtes de nuit rémunérées quelques milliers d’euros donnaient lieu à une grande valse d’espèces. Le liquide était soit versé par les boîtes de nuit, soit retiré ensuite et reversé aux artistes ou à leurs managers. « Il a assuré que les artistes refusaient de se produire s’ils n’étaient pas payés en liquide », remarque le président.


Renvoyé devant le tribunal pour avoir participé à la combine, un tourneur toulousain jure avoir été « naïf ». « Il me disait : tu me mets le prix hors TVA. J’ai compris que sa rémunération, c’étaient les 20 % de TVA qu’il collectait sans les reverser », explique le prévenu.


Phobie administrative


Le troisième protagoniste du dossier assure, lui, avoir été touché par une crise de phobie administrative. Ce colosse à la voix grave, spécialiste de la sécurisation des concerts a reçu près de 300 000 euros. Essentiellement en liquide. L’association facture ses prestations de sécurité et lui reverse les sommes en liquide. Introduit dans le monde du rap, il présente par ailleurs à Michel Escuriet des rappeurs célèbres, qui intègrent son catalogue. Et lorsque des artistes exigent des espèces, il se charge de remettre les enveloppes.


« Dans la plupart des cas, il y a des conversations téléphoniques. Pour parler d’espèces, Escuriet utilise le mot chocolat », remarque le président. « Ça veut dire la même chose », rétorque le prévenu. « Ça rappelle un peu les codes dans les trafics de stupéfiants », relance le magistrat.


« J’ai épluché les comptes, vous avez affaire à un phobique administratif de la dernière espèce ! » relève Me Hector Bernardini, l’avocat du troisième prévenu. Mais lorsque Escuriet transfert son activité au Luxembourg, toujours à la barbe du fisc français, son apporteur d’affaires trouve la ressource pour ouvrir un compte dans le Grand-Duché afin de s’y faire verser un salaire.


« Pendant dix ans, personne n’a trouvé étrange de vendre des services et d’engranger de telles sommes sans rien déclarer », s’étouffe la procureure Margaux Jovin, qui réclame des peines de huit mois à un an de sursis et des amendes de 15 à 25 000 euros ainsi que des interdictions de gérer pendant quinze ans.


« Dans les années 1980, le ministère de la Culture encourageait les artistes à monter des associations. Malheureusement, les artistes, ce sont les artistes, badine Me Homam Royai, l’avocat de Michel Escuriet. La façon dont il a agi montre qu’il a opéré à tâtons. Je suis moi-même étonné que personne ne lui ait dit que son association devait fonctionner autrement. » Délibéré le 10 février.



 
 
 

Comments


bottom of page